Jean Lemaire de Belges, Plant du Desiré, c’est-à-dire la déploration de feu monseigneur Loys de Luxembourg (1506), in C. Occhipinti, Il disegno in Francia nella letteratura artistica del Cinquecento, Firenze, Parigi, SPES-INHA, 2003.
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J’ay pinceaux mille, et brosses, et outils,
or et azur plein mes coquillettes;
j’ai des ouvriers, tant nobles et gentils,
esprits soudains, aigus, frais et subtils;
j’ai des couleurs blanches et vermeillettes;
d’inventions j’ai pleines corbeillettes;
j’ai ce que j’ai, j’ai plus qu’il ne me faut,
si n’ai point peur d’avoir aucun défaut.
Et si je n’ai Parrhase ou Apelles
dont le nom bruit par mémoires anciennes,
j’ai des esprits récents et nouvelets,
plus ennoblis par leurs beaux pincelets,
que Marmion, jadis de Valenciennes,
ou que Fouquet, qui tant eut gloires siennes,
ni que Poyet, Roger, Hugues de Gand,
ou Johannes qui tant fut élégant.
Besognez donc, mes nourrissons modernes,
mes beaux enfants nourris de ma mamelle,
toi, Léonard, qui as grâces supernes,
Gentil Bellin, dont les los sont éternes,
et Pérugin[1] qui si bien couleurs mêle.
Et toi, Jean Hay, ta noble main chôme-elle?
Viens voir Nature avec Jean de Paris,
pour lui donner ombrage et esperits.
Faites broyer sur vos polis porphyres
couleurs duisant à mon intention,
toutes de noir et de diverses tires,
pour exprimer les douloureux martyres
que Nature a par lourde infection.
Faites mêler pâte carnation
ne détrempez que noir de flamme ou bistre:
c’est la couleur qui de devil est ministre.
Laissez à part sinople et azur l’acre,
laque, verdgay, toutes hautes couleurs;
gardez-les bien pour quelque image sacre,
pour étoffer statue ou simulacre
qui soit de prix et de riches valeurs.
Ici ne faut que touches de douleurs,
car d’or moulu Nature ne se pare,
quand quelque grief de joie la sépare[2].
[1] Il nome di Perugino è fondamentale per comprendere la cultura di Jean Bourdichon (BLUNT ed fr., p. 24).
[2] In LEMAIRE DE BELGES 1549/STECHER 1969, III, pp. 162-163; SPAAK 1975, pp. 27-28.
