Jean Martin (1553)

Jean Martin, L’architecture et art de bien bastir du seigneur Leon Baptiste Albert, gentilhomme florentin, divisée en dix livres (1553), in C. Occhipinti, Il disegno in Francia nella letteratura artistica del Cinquecento, Firenze, Parigi, SPES-INHA, 2003.

 

[c. 4r]

Premier livre de messire Leon Baptiste Albert, intitulé des traictz ou lignes.

Chapilre deuxieme.

 

Voulant escrire des lineamens convenables aux edifices, ie feray un recueil de toutes les choses bonnes et belles qui se trouvent avoir esté mises en memoire par noz predecesseurs, gens vertueux et tresexpertz en ceste praticque, mesmes par iceulx observées, et les transferay en cestuy mien volume. Plus encores y adiousteray-ie tout ce qui s’est presenté à mon entendement, esmeu de la curiosité de bien chercher, et par la peine que i’ay mise à ce faire. Mais d’autant que ie desire en ces discours (qui d’eulx mesmes sont assez difficiles, voire tresobscurs pour la pluspart) me monstrer ouvert aux lecteurs autant que faire ce pourra, i’expliqueray (selon ma coustume) ce que i’entrepren à ourdir, et de la procederont les fontaines des choses qui se doyvent traicter, lesquelles à mon advis ne seront de petite efficace, puis tout le reste s’en deduira en stile trop mieulx continué et beaucoup plus aysé à entendre.

Tout l’art de bien et raisonnablement bastir consiste en lineamens et structure. Ou toute la force et effect d’iceulx ne tend à autre fin, qu’à donner une voye droitte et absolue pour bien essembler les traictz et angles qui designent le pourpris ou parterre d’un edifice.

L’office donc et le devoir des lignes et d’assigner aux bastimens, ensemble à toutes parties, lieux convenables ainsi qu’il est requis, mesme leur donner certain nombre, avec ordre et maiesté plaisantes, telement que cela me faict dire encor un coup, que toute la forme et figure d’une maison depend de la formation desdictes lignes, qui ne sont en rien subgettes à suivre la matiere, ains de tele nature que nous les voions tousiours d’une mesme façon en plusieurs edifices. Lesquelz ne sont pourtant tous de semblable structure, c’est à dire que leurs parties et situation d’icelles, voire les ordres que’lles gardent, s’entr’accordent bien en lignes et en angles, mais non pas en similitude. Certes un homme peult bien imaginer en sa pensée des maisons toutes accomplies, sans y rien emploier de materiel, et cela est loysible de pervenir, en marquant et assignant les angles et les traictz par certaine conduite de raison. Et puis qu’il est ainsi, ie di queles desseingz ou formes qui se conçoyvent en nostre fantasie, representent une certaine figure, laquele se faict par lineamens et angles soubz la conduite industrieu[c. 4v]se d’un homme de bon entendement et pratic. A ceste cause si nous voulons chercher que c’est qu’un edifice, sans oublier tout la manoeuvre qu’on y emploie, ie croi que ce ne sera sans propos, de considerer preallablement de quelz principes et par queles progressions les retraictes des mortelz maintenant dictes domicilles, iadiz commencerent et s’accrurent per à peu, et à la verité si ie ne m’abuze en mon opinion, l’on peult determiner de tout ce negoce, ainsi que vous orrez au chapitre suyvant.

Frontespizio, indice e introduzione del volume

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